Ce qui tue la politique…

Ce n’est pas la communication elle-même, c’est la prééminence qu’elle a prise sur l’action et l’authenticité.

Soyons clairs : dire que la communication n’a pas sa place en politique, c’est faux.

Ce serait faire croire que la politique n’est qu’une affaire d’action. Or, pour la mener à bien cette action, il est toujours nécessaire de penser sa communication.

Et c’est vrai depuis la nuit des temps : de Périclès à Thucydide, qui se livraient déjà aux joutes oratoires et aux représentations théâtrales pour faire valoir leurs idées, au Prince de Machiavel qui se maintient au pouvoir par la manipulation et la maîtrise de son image à travers ses discours et ses comportements, en passant par Louis XIV qui se donnait en représentation, du lever au coucher, devant sa cour, sans oublier les Révolutionnaires de 1789 qui exaltaient la colère du peuple, la communication est partout en politique.

Mais alors pourquoi, dans notre imaginaire collectif, la communication en politique rime-t-elle aujourd’hui avec artifice, superficialité, quand il ne s’agit pas tout simplement de l’assimiler à de la manipulation pure et simple ?

Pourquoi parle-t-on de « politique-spectacle » où les apparences règnent sur les faits, où l’émotion prime sur la raison, où les sentiments dominent la vérité ?

D’abord, il n’y a pas de vérité absolue en politique, comme il peut y avoir des vérités scientifiques. Il y a seulement des vérités de conviction qui répondent aux différents logiciels de pensée des citoyens.

Mais si la communication politique semble si artificielle aujourd’hui, c’est qu’elle est tellement omniprésente qu’elle en devient insignifiante et insincère.

Plusieurs raisons expliquent ce changement de paradigme depuis trois décennies :

  • L’arrivée de l’information en continu.

  • La révolution du numérique donnant un accès facilité à chacun à l’information.

  • L’explosion des réseaux sociaux et des plateformes où chaque citoyen peut désormais créer son média.

  • Et plus récemment, l’irruption de l’intelligence artificielle qui modifie notre rapport à la fiabilité des informations.

En conséquence, les responsables politiques sont devenus toujours plus exposés. Il n’y a plus de secrets, ni de secrets d’état. Il n’y a plus de boîte noire politique. Le off n’existe pas vraiment.

La transparence est devenue la règle absolue et pourtant, l’impression d’être trompé, l’impression que l’on nous ment, l’impression même de l’existence d’un agenda caché, n’a jamais été autant tenace. Pourquoi ?

Parce que pour répondre à cette surexposition médiatique et numérique, les responsables politiques se sont engouffrés dans une quête effrénée de la mise à nu. Au lieu de dominer leur communication, ils n’ont cherché qu’à se soumettre à ce nouveau cadre. Ils se sont fondus dans ce système où ce ne sont plus eux qui dictent l’agenda et le tempo de la communication.

Ils se sont même entourés d’armées de communicants qui se sont emparés de leur récit pour le modeler en fonction de nouvelles tendances et modes du moment.

Résultat : ils ont tous communiqué de la même façon, reprenant les mêmes codes populaires du moment, oubliant que ces codes allaient être balayés aussi vite qu’ils étaient apparus. En conséquence, ils ne marquent plus les esprits, et leur empreinte apparaît insignifiante quand ils ne donnent pas l’impression d’être des pantins voire les agents d’une prétendue « élite mondialisée » qui dicterait sa perception du monde.

Pourquoi le storytelling est devenu justement l’alpha et l’oméga de la communication ? Parce que les politiques ont perdu l’art de se raconter. Or, aujourd’hui, les storytellers leur promettent d’inventer le récit qui va faire mouche auprès de leurs électeurs. Mais ces derniers ne veulent pas qu’on leur raconte des histoires ; ils veulent la vraie histoire. Ils veulent de la sincérité, de l’authenticité. Ils veulent que ce soient leurs élus qui leur parlent directement et non pas sous le prisme de trends qui fonctionnent sur la toile.

Dernièrement, nous avons vu fleurir sur les réseaux sociaux cette communication devenue insignifiante :

  • Un ministre des Affaires étrangères faisant une vidéo sous le format de la série Bref lors du G20 alors que tout le monde y allait du même format.

  • Des politiques qui publient leur silhouette façon studio Ghibli.

  • D’autres qui affichent avec fierté leur « starter pack ».

Etc…

Que reste-t-il de cette communication ? Presque rien.

On ne retient que la forme, jamais le fond.

Où est le message ? Nulle part.

Et en réalité, tout ce qui est accessoire devient essentiel. Le court terme prime sur le long terme.

Il en résulte que l’image et la petite formule sont une nouvelle dictature destinée à mettre l’accent davantage sur les intérêts particuliers que sur l’intérêt général.

Il n’y a qu’un geste à faire pour repenser sa communication autrement, avec plus d’efficacité, pour sortir de ce moule qui est un « tue-l ’amour » politique :

Reprendre sa plume et remettre sur le chantier son récit.

En silence, loin des affres de la communication moderne, aseptisée, stéréotypée et homogénéisée.

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“Réveillez l’amour de la lecture.”