Les Mots de l’Histoire avec la lettre V
“Veni, vidi, vici”
“Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu”
Cette phrase bien connue est un raccourci attribué à Jules César. Le contexte est le suivant. Au moment de la guerre du Pont, César est au sommet de sa gloire. César marche en Orient contre Pharnace II et le chasse du Pont. Il aurait alors écrit à un de ses amis de Rome, Amantius, la phrase suivante pour marquer la rapidité spectaculaire de sa victoire : “Veni, vidi, vici”. C’est ainsi que Plutarque le raconte dans ses Vies parallèles. Suétone, dans les Vies des douze Césars, évoque aussi ces mots sans parler de la missive: “Durant le triomphe du Pont, il fit porter parmi les objets du cortège un écriteau qui, au lieu d’indiquer les faits de guerre, selon l’usage, signifiait en trois mots : Veni, vidi, vici, la promptitude de leur exécution.”
“Ventre affamé n’a point d’oreilles”
Ce vers célèbre de La Fontaine est en réalité emprunté à un mot historique qui nous vient tout droit de l’antiquité romaine. Plutarque écrivit en effet ceci : “Un jour, le peuple romain réclamait instamment, et hors de propos, une distribution de blé. Caton, qui voulait l’en détourner, commença ainsi son discours : “Citoyens, il est difficile de parler à un ventre qui n’a point d’oreilles.””
“Voilà le soleil d’Austerlitz”
Un mot authentique de Napoléon prononcé le 7 septembre 1812, à vingt-huit lieues de Moscou alors que l’empereur est sur le point de livrer bataille. A ses officiers, à l’aube, il dit : “Voilà le soleil d’Austerlitz” dans le but de galvaniser ses troupes. Il s’agit de la fameuse bataille de Borodino que nous connaissons aussi sous le nom de la Moskova. Le soleil n’est ce jour-là pas réellement celui d’Austerlitz, même si les Français considèrent avoir gagné la bataille. Les Russes, eux-mêmes, estiment avoir remporté l’affrontement. Il s’agit ni plus ni moins de la bataille la plus sanglante de la campagne de Russie. Une semaine plus tard, Napoléon fait son entrée à Moscou, avant que la retraite ne commence avec le désastre qu’on connaît pour la Grande Armée.
“Vous n’avez pas le monopole du cœur”
Voilà sans doute l’une des répliques de débats politiques télévisés les plus célèbres tant elle est restée ancrée dans notre mémoire collective. Elle est signée Valéry Giscard d’Estaing le 10 mai 1974 face à François Mitterrand. Il ajoutera aussi : “Vous êtes un homme du passé.” De là à dire que ces deux phrases lui firent gagner l’élection présidentielle, il y a un pas que je ne franchirai pas. Quoi qu’il en soit, il avait marqué des points et les esprits.
“Voyez ce que coûte une victoire”
Phrase authentique de Louis XV qui lui confère un peu d’humanité alors que ce roi souffre souvent d’une mauvaise réputation. Il la prononce à Fontenoy après la victoire du maréchal de Saxe sur le duc de Cumberland le 11 mai 1745. En parcourant le champ de bataille, Louis XV, accompagné du dauphin, est désolé par la violence des combats. Son fils semble pourtant se réjouir de cette victoire face aux Anglais. Neuf mille britanniques périrent dans cette bataille. Le roi dit alors à son fils: “Voyez ce que coûte une victoire. Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes. La vraie gloire, c’est de l’épargner.”
C'est avec la lettre V que nous concluons aujourd'hui cette série des mots historiques.
Depuis le mois de juin dernier, nous avons parcouru une soixantaine de mots historiques, authentiques ou parfois apocryphes.
Au fil des siècles ou des dernières décennies, ils se sont inscrits dans notre imaginaire collectif.
Ils sont devenus des références dont on aime user, et parfois même abuser.
Comprendre leur origine et le contexte dans lequel ils ont été écrits ou prononcés, c'est aussi savoir les utiliser à bon escient.
Ce fût tout l'intérêt de ce feuilleton.
Ils nous apprennent aussi que l'histoire se façonne avec les mots.
Que les mots sont le prélude à l'action.
Et qu'au fond, quand on maîtrise le langage, on est souvent mieux préparé à maîtriser un destin et à forger sa légende.
Parce que comme le disait un de nos grands leaders, le général de Gaulle : "L'action met les ardeurs en œuvre. Mais c'est la parole qui les suscite."

